> Mort de Didier Carette, ancien directeur du Théâtre Sorano
Avec la disparition de Didier Carette, c’est une grande figure toulousaine du théâtre qui vient de s’éteindre.

Comédien et metteur en scène, Didier Carette est mort dans son sommeil le 25 novembre, à l’âge de 75 ans, dans les Pyrénées-Orientales, où il vivait avec son épouse Brigitte Carette. Ancienne attachée de presse du CDN de Toulouse, elle s’était éteinte quelques semaines auparavant. Didier Carette était une grande figure toulousaine du théâtre. Il avait débuté sa carrière de comédien dans les années 70, croisant la route de Jean Bousquet, Armand Gatti et Maurice Sarrazin, rencontres qui scellèrent sa passion pour les planches. Il avait ensuite travaillé avec Jacques Rosner, directeur du CDN de Toulouse, avant de codiriger avec Paul Berger le Théâtre du Pavé, de 1994 à 1997. Il y fut remarqué pour sa mise en scène du “Maître et Marguerite”, d’après Mikhaïl Boulgakov. Il fonda en 1997 sa compagnie, le Groupe Ex-abrupto, installée à La Baraca, lieu alternatif où le public était convié à des bistrots-littéraires.
Avec le Groupe Ex-abrupto, il a créé “Le Cas Woyzeck”, d’après Büchner, au Théâtre Garonne, puis a mis en scène “Karamazov” d’après Dostoïevski, avec Maurice Sarrazin, et “L’Illusion” de Corneille au TNT. Sa version du “Satyricon” de Pétrone a été représentée au Théâtre Garonne et au Théâtre de la Tempête, à Paris. Didier Carette a ensuite été nommé à la direction du Théâtre Sorano en septembre 2003, où il a créé de nombreux spectacles jusqu’en 2011 : “Peer Gynt” d’Henrik Ibsen, “La Reine Margot” d’Alexandre Dumas, “L’Enfant d’éléphant. Homme pour Homme” de Bertolt Brecht, “Rimbaud l’enragé” (d’après “Une saison en enfer”), “Un tramway nommé désir” de Tennessee Williams, “Le Bourgeois gentilhomme” de Molière, “Le Frigo” de Copi, “La Cerisaie” d’Anton Tchekhov ou encore “Cyrano de Bergerac” d’Edmond Rostand — son ultime mise en scène, qui a attiré plus de six mille spectateurs en quatorze représentations.
Avec des moyens modestes, chacune de ses créations était portée par la passion partagée d’une troupe pour un théâtre au style flamboyant, qualifié par ses soins de « réalisme magique et baroque ». Durant toutes ces années, il a offert de splendides rôles à ses interprètes transfigurés par une direction à l’exigence sans faille. Comment oublier Georges Gaillard, l’Encolpe déchirant du “Satyricon”, puis le Galy Gay perdu de “L’Enfant d’éléphant”, et un Monsieur Jourdain sidérant. Mais aussi Marie-Christine Colomb, en Blanche Dubois démesurée, et Ghislain Lemaire et Régis Goudot habités par les vers incandescents de Rimbaud, sur les compositions miraculeuses de Charlotte Castellat. Autant de personnages mis au jour par son regard perçant, autant de textes habités par son évidente intelligence du plateau.
En 2011, en pleine polémique en raison de ses amitiés politiques, il quittait le Sorano et faisait ses adieux à la scène, alors que la mairie avait retiré les subventions au Groupe Ex-abrupto. En 2015, il était élu conseiller régional d’Occitanie au sein du groupe Front National. Pour son ami, l’auteur-compositeur Bruno Ruiz, « c’était pour lui un passage à l’acte provoqué par un sentiment de trahison des instances culturelles toulousaines, de droite comme de gauche, qui avaient été son soutien à la tête du Sorano. Il a beaucoup souffert de cet abandon. »
Dans un long texte lui rendant hommage, publié sur Facebook, Bruno Ruiz confie : « Didier se définissait comme un anarcho-fasciste royaliste stalinien atteint d’une misanthropie galopante. Autant dire du grand n’importe quoi. Il avait des amis d’extrême droite rencontrés quand il était soldat dans la Légion étrangère dans les années 1970, mais il en avait aussi d’extrême gauche, des Communistes et des Anarchistes. Quand je l’ai connu, au début des années 1980, il était membre de la FA, la Fédération anarchiste, et il jouait un solo de textes tirés du “Voyage au bout de la nuit” de Céline à la Grange-aux-Belles dirigée alors par Jacky Ohayon. J’avais adoré son spectacle. Il ignorait totalement ce que l’on entendait par dialectique, contradiction, etc. Il fonctionnait à l’affectif, à l’émotionnel dans tous les actes de sa vie. »
Intramuros adresse ses condoléances à sa famille et ses amis, aux artistes et techniciens qui ont œuvré à ses côtés, et à celles et ceux qui ont été touchés par ses spectacles.
> Jérôme Gac
photo © Patrick Moll
